Ce travail si formidable paraît-il.....

Je fais un travail formidable, je fais un travail formidable, je fais un travail formidable...

Pardon.

J'essaye. 

Une sorte de Mantra.

Cette phrase que certains me disent encore...

Cette phrase que j'ai du mal à croire parfois, souvent en fait.

Cette phrase qui me fait si mal surtout après avoir visionné le clip commandé par "ma" supérieure, "ma" ministre. 

Je suis en colère en fait. Je suis tellement triste surtout. Seuls. On est tout seuls. Il y a les quelques parents qui nous font encore confiance et les collègues avec qui les liens se font plus forts...sans doute grâce aux épreuves et difficultés rencontrées...presque une famille parfois, un cocon dans lequel on se tient près, tout près les uns des autres à se serrer les coudes.

Ce billet j'aurai pu ne pas l'écrire. Ne pas alimenter le buzz autour..oui

Mais les larmes ont coulé pendant le visionnage alors on évacue.

J'évacue. Comme je peux, avec  vous j'espère que vous me pardonnerez ma colère, ma tristesse, mon dégoût.

Cette grande cause d'aujourd'hui qui mérite tant d'attentions, de solutions à envisager, de choses quotidiennes à construire....

L'impression d'un énorme gâchis. Tout ça pour ça.

Cette vidéo rate sa cible. 

Encore coupable. Loin des réalités quotidiennes. Amalgames de comportement qui ne peuvent seuls expliquer ce problème grave qui existe dans nos écoles. Procès d'intention. Pour qui ? Pour quoi ? Je suis perdue.

Je me sens perdue.

Comme si tous mes efforts, tous nos efforts pour une école meilleure étaient réduits à néants. Encore.

Responsable. Encore. Toujours. 

Il est vrai qu'il est sans doute plus facile pour nos ministres de caricaturer l'enseignant plutôt que de nous proposer des supports pédagogiques utilisables sur le terrain pour combattre le harcèlement. Il est vrai qu'il est plus facile de s'exprimer dans la presse plutôt qu'observer un vrai temps de classe. Sans caméra, sans sourires imposés. Dans des écoles en REP, ÉCLAIR, REP +. 

Sans doute. 

Évacuer les autres causes de harcèlement. Se concentrer sur cette attitude, cette posture d'enseignant. Montrer ces conditions d'enseignement que je ne connais pas, que je n'ai jamais connu depuis que j'enseigne, que je n'ai jamais vu faire...occulter les difficultés relationnelles entre élèves, occulter les manques de formations pratiques qui font que sans doute ne ne décelons pas toujours ou assez rapidement des situations difficilement décelables car cachées ....

Ce soir j'ai encore le blues.

Demain je vais retrouver ma classe. Non pas dos aux élèves, dans mon explication et sans aucune interaction mais face à eux. 

Tenter d'enseigner, d'éduquer, de valoriser, de montrer l'exemple, de prôner la tolérance, le respect, le droit à la différence, inculquer la confiance en soi, l'estime de soi, l'apprentissage par l'erreur, les diriger vers la responsabilisation et l'autonomie....Ah et faire du français, des maths, des langues, des sciences, des arts, de l'informatique aussi...

Seule. 

Parce que je constate, une fois de plus, que nous sommes seuls. Face aux élèves, face aux difficultés, face au mal-être humain...

Mais je tendrai quand même la main. 

À mes élèves. 

Comme toujours.
Et on cherchera ensemble comment vaincre ces situations de harcèlement qui ne devraient pas se produire. Avec eux. Pas contre eux. Ensemble. 

Même si j'ai mal. Encore.

Je me doute que cet article puisse susciter des réactions. Je ne nie pas ici, ni la gravité de la situation, ni les situations décrites comme celle de la vidéo. Sans doute en existe-il.

 Je fais part de mon sentiment après 8 années passées dans l'éducation nationale dans des conditions, des écoles très difficiles où j'ai travaillé avec des professionnels de l'éducation pleins de volontés, tenaces, voulant faire changer les choses et surtout prêts à se remettre régulièrement en question. 

De ceux là, nous n'en parlons pas souvent voire jamais...ni leurs pédagogies différentes, ni leurs idées souvent innovantes, ni leur pugnacité dans les objectifs à atteindre. Je me considère modestement comme une des leurs. Petite fourmi d'un gros système. Toujours en construction pour mieux faire.

Et j'ai si mal de nous voir si peu soutenus au quotidien, pas écoutés, oubliés.

Le harcèlement scolaire ne devrait pas exister...mais la caricature et le généralisation non plus.